Dossier

 

LES GISEMENTS DE VERTEBRES
FOSSILES DU TARN
HISTORIQUE DES DECOUVERTES ET REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
L'OLIGOCENE (STAMPIEN, CHATTIEN)

par Philippe Fauré

 

INTRODUCTION


Définition de l'Oligocène et de ses étages

Le nom d’Oligocène est défini par Beyricht (1854) en Allemagne du Nord pour caractériser les faunes les plus anciennes du Tertiaire, que Lyell classait auparavant dans le Miocène inférieur. Son nom se réfère à la rareté d’apparition des mammifères modernes, durant cette période, en comparaison avec leur rapide apparition dans l’Eocène.
Les limites de l’Oligocène et ses subdivisions ont été très diversement interprétées par les auteurs, à en juger par le nombre des étages dont l’usage est tombé en désuétude, que nous retrouvons fréquemment utilisés par les auteurs ayant étudiés les vertébrés tarnais.
- Ces couches étaient définies en Belgique comme « Tongrien » et « Rupélien » et dans le Bassin de Paris, comme étage Stampien, par d’Orbigny (1852).
- Par manque de définition, le Tongrien est remplacé par deux étages distincts, le Sannoisien (Munier-Chalmas et Lapparent, 1893) et le Stampien.
- Le Sannoisien qui désignait les dépôts lagunaires de la partie inférieure de l’Oligocène du Bassin de Paris est ensuite abandonné et son utilisation réservée à une signification de faciès (Stampien à faciès sannoisien).
- La définition de l’étage Stampien s’en trouve élargie, conformément aux limites données initialement par d’Orbigny dans le Bassin de Paris.
- Bien que la conception des deux étages soit identique, c’est le terme de Rupélien, défini deux ans avant le Stampien, qui est retenu par les échelles internationales.

Malgré tout, l’usage du Stampien, en tant qu’étage, est resté incontournable en raison de la richesse des dépôts marins et continentaux de la région stratotypique. Nous l’utiliserons dans notre étude.

L’étage Chattien (Fuchs, 1894) est ensuite créé comme synonyme de Oligocène supérieur.

L’Oligocène comporte ainsi deux étages, de bas en haut, le Rupélien/Stampien et le Chattien.

Dans le golfe de l’Albigeois, ses dépôts sont représenté par des couches molassiques alternativement pélitiques, gréso-conglomératiques et lacustres, disposées en auréoles concentriques, se succèdent d’Est en Ouest, depuis le revers occidental de la « Crête ludienne », jusqu’aux confins du Pays toulousain, à l’Ouest du département du Tarn.

Un historique plus détaillée des étapes qui ont conduit à la datation des formations de l'Oligocène, est traité par ailleurs sur le présent site.



Apport des vertébrés à l'étude de l'Oligocène du Tarn. Un historique

Nous avons évoqué par ailleurs (Histoire de l'Oligocène du Tarn) toutes les étapes qui ont amené à la datation et à définition de l’Oligocène dans le Tarn. Nous n’en reprendrons ici que les grandes lignes.

Les formations actuellement attribuées à l’Oligocène dans le Tarn ne sont longtemps pas distinguées des autres formations molassiques paléogènes des bassins du Castrais et de l’Albigeois. Rappelons qu’elles sont successivement attribuées en totalité au Tertiaire moyen ou Miocène par Dufrenoy et Elie de Beaumont (1841) et Raulin (1848), puis en totalité à l’Eocène par de Boucheporn (1848) dans sa carte du Département du Tarn et dans l’« Explication » qui l’accompagne, enfin à L’Eocène supérieur par Noulet (1854, 1858).
Celui-ci qui regroupe toutes les formations molassiques des golfes du Castrais et de l’Albigeois dans une unique « zone à Lophiodon lautricense et Paleotherium » qu’il estime équivalente avec celles des couches de Montmartre à gypse du Bassin Parisien (Noulet, 1858). Il reconnaît cependant à la « formation Miocène » (il s’agit bien du Miocène actuel), les dépôts « qui occupent une grande place dans le sud-ouest, du Pied de Pyrénées… à l’Ouest de l’embouchure du Tarn dans l’Aveyron, jusqu’à l’Océan » (Noulet, 1854). L’incertitude stratigraphique est donc large entre le Miocène de l’Aquitaine et l’Eocène supérieur. Sa découverte de « dents incomplètement conservées d’un Anthracotherium » (1) dans le calcaire de Saint-Martin-de-Casselvi (Noulet, 1863), lui suggère pour ce calcaire un « étage le plus ancien de la formation miocène… appartenant aux zones les plus élevées et conséquemment les plus récentes dans le même terrain (Oligocène des auteurs allemands), zone que je suis porté à attribuer à l’horizon Tongrien de M. d’Orbigny ». Noulet avait parfaitement reconnu le caractère intermédiaire, de certaines faunes, entre Eocène et Miocène. Elles ne l’emmèneront cependant pas à modifier sa conception trop large de l’Eocène.

La découverte par Thomas (1867) du « Rhinoceras minutus CUVIER » de Montans aurait pu amener à l’identification de l’Oligocène, mais divers ossements de « Paloplotherium minus, Paleotherium curtum, Lophiodon » qui lui sont associés suggèrent, à la suite de Noulet, l’âge éocène supérieur du gisement.

De l’Oligocène

D’importantes rectifications à la stratigraphie de « l’Eocène supérieur » du Bassin de l’Albigeois établie par Noulet en 1868 sont apportées par Tournouër (1869), en même temps que la première introduction du « système » oligocène dans la terminologie des étages de l’Albigeois. Déjà apparaît un premier essai de synchronisation :
- Oligocène inférieur « ou Eocène supérieur » : Calcaires d’Albi et de Lautrec « en équivalence des Molasses du Fronsadais », ce qui se révèlera juste.
- Oligocène moyen : Calcaires de Cordes et de Cieurac en équivalence du Calcaire de Briatexte « à Anthracotherium ».

Filhol (1878, 1881) signale le gisement de Réal (2) dont les fossiles lui « paraissent contemporains des Sables de Fontainebleau » (comprendre Oligocène).

Du Sannoisien et du Stampien

Caraven-Cachin (1898) fait peu de découvertes personnelles dans ces terrains mais extrait des molasses des environs de Salvagnac plusieurs fossiles de vertébrés qu’il place dans le Miocène et leur assigne un âge Aquitanien. Ces fossiles, provenant de la Sauzière-Saint-Jean seront décrits par Fréderic Roman (1911) sous le nom d’Anthracotherium albigense, espèce maintenant placée dans le genre Molassitherium. Ils se révèleront d’âge Stampien terminal - Chattien inférieur (MP 25).

Vasseur et ses collaborateurs Répelin et Blayac, qui ont entrepris la cartographie au 1/80000ème de l’Aquitaine appliquent au Tarn la terminologie des étages en vigueur dans le Bassin de Paris (Vasseur, 1893-94I ; Vasseur et Blayac, 1894).
- Ils font débuter l’Oligocène avec les Molasses de Puylaurens et placent cette assise dans l’étage Sannoisien inférieur qui livre à Vasseur plusieurs fossiles « ne laissant aucun doute sur l’âge sannoisien de la formation » (Vasseur et al. 1896). Le réexamen des faunes de Puylaurens amènera Roman et Joleaud (1909), puis Stehlin, à rajeunir cet âge « à la partie tout à fait supérieure du Sannoisien, peut-être même à l'extrême base du Stampien».
- Le « Calcaire à Melania albigensis » (= Calcaire d’Albi) est tenu pour « équivalent au Calcaire de Brie » (Vasseur, 1893-94I) ou Sannoisien supérieur (Vasseur, 1894, 1896).
- Les dépôts molassiques sus-jacents (Molasses de Moulayres) et le faisceau des Calcaires de Cordes sont retenus comme « équivalent des Grès de Fontainebleau, ou Stampien ».

Blayac donne de ce schéma une synthèse en 1930 pour le centenaire de la Société Géologique de France (figure ci-dessous). Pour l’Oligocène, nous y retrouvons notamment les équivalences, pour l’essentiel toujours valables, entre : Molasse de Puylaurens et Molasse supérieure du Fronsadais ; Molasse de Moulayres et Molasse de l’Agenais.

Dans sa révision encyclopédique des gisements de mammifères de l’Albigeois, Richard (1946) précise les datations de Vasseur et donne un nouveau tableau de synchronisation des formations de l’Oligocène tarnais reposant essentiellement sur les datations données par les vertébrés. De bas en haut, à partir du Calcaire de Saint-Martin de Damiatte (Ludien supérieur) :
- Sannoisien inférieur : Molasses de Puylaurens (3).
- Sannoisien supérieur : Calcaires d’Albi.
- Stampien inférieur : Molasses de Moulayres.
- Stampien moyen : Calcaires de Cordes et de Briatexte en équivalence latérale avec les dépôts molassiques du Gaillacois qui ont donné les gisements de Rabastens, Montans, Gaillac,...
- Stampien supérieur : molasses de la région de Salvagnac qui ont fourni les gisements de Réal, La Sauzière-Saint-Jean, Tauriac…
Castéras (1956) et Astre (1959) ne feront que reproduire le schéma donné par Richard (1946).

Biozones MP 21-30. Identification de l’Oligocène supérieur

Les progrès apportés dans les années 80 par la biochronologie des mammifères autorisent des datations de plus en plus précises et des corrélations devenues fiables, que ne permettait pas la paléontologie des seuls mollusques continentaux. Leur succession est désormais corrélée avec l’échelle chrostratigraphique MP (pour Mammifères Paléogène) adoptée en 1986 au Symposium de Mayence.
L’Oligocène y est subdivisé en neuf Biozones, de MP 21 à MP 30, que Sudre et al. (1992) seront les premiers à corréler avec les niveaux fossilifères connus dans le Tarn. Ils seront suivis par Muratet et Cavelier (1992), Escarguel et al. (1997) ; Astruc et al. (2003), ouvrages dans lesquels nous trouverons un bilan des données récentes, disponibles, à la fois, sur les gisements paléokarstiques et dans les bassins molassiques de l’Aquitaine. Les nouvelles datations et les nouvelles équivalences proposées dans la partie supérieure de l’Oligocène sont pour la plupart nouvelles.
Pour le Stampien (= Rupélien), Biozone MP 21 à MP 24 : - Le Calcaire de Cordes s.s.: Stampien sommital, transition MP 24 à 25 (Muratet et Cavelier, 1992) ; - Les gisements molassiques du Gaillacois : Stampien inférieur (Montans, MP 21) ; Stampien supérieur (Gaillac, Lisle-sur-Tarn, Saint Gery, MP 24).
Pour le Chattien, nouvellement identifié au sommet de l’Oligocène tarnais (Muratet et Cavelier, 1992) Biozones MP 25 à MP 30 : - Les gisements de Rabastens, Salvagnac, La Sauzière-Saint-Jean, Montclar-de-Quercy : Chattien inférieur, MP 26. - Les gisements de Tauriac, Belpuech : MP 27 - Le gisement de Roquemaure-Réal : Chattien terminal, MP 30.


Notes :
(1) fossile qu’il attribue ensuite Anthracotherium magnum (Noulet, 1867)
(2) Le gisement de Roquemaure – Réal se révèlera l’un des plus récents du Tertiaire tarnais, avec des faunes actuellement attribuées aux biozones MP 29-30 du Chattien terminal.
(3) Nous rapportons dans le présent travail cette formation au Ludien.

Lithostratigraphie de l'Oligocène du Tarn